
Spike Lee fait son grand retour avec BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan, film pour lequel il obtient le Grand Prix du Festival de Cannes.
Plus de 50 ans après le Civil Rights Act et plus de 10 ans après l’élection du premier Président noir américain Barack Obama, les États-Unis ne sont toujours pas irréprochables.
Entre les violences policières, les discriminations raciales et la mentalité dépassée d’un grand nombre de la population américaine, nous sommes face à une situation qui ne semble pas avoir de fin.
Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.
En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d’en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le « Grand Wizard » du Klan, David Duke, enchanté par l’engagement de Ron en faveur d’une Amérique blanche. Tandis que l’enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu’une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d’aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre.
INSPIRÉ D’UNE HISTOIRE VRAIE
Les avis du film après le Festival de Cannes étaient mitigés, contrairement à sa sortie en salles qui a fait quasi l’unanimité des spectateurs.
Spike Lee signe un retour fracassant avec BlacKkKlansman, qui est inspiré d’une histoire vraie, et c’est un excellent film (qui n’est pas non plus sans défaut).
La communauté afro-américaine est représentée par le maître en la matière depuis toujours, mais c’est surtout des films
sociétaux sur les problèmes des minorités qu’il expose.
Puisque c’est un sujet qu’il maîtrise, on fait face à une histoire impressionnante, aussi bien par sa situation initiale (un policier noir qui infiltre le KkK), mais également par les moyens d’expression qu’il intègre au film, dont la mise en abyme du film dans le film avec la séquence d’ouverture où Alec Baldwin incarne un suprémaciste blanc, juxtaposé à des séquences d’Autant en emporte le vent.
LES PERFORMANCES NOTABLES DE JOHN DAVID WASHINGTON & ADAM DRIVER
C’est par ailleurs grâce à sa mise en scène que le film n’est pas simplement un réquisitoire contre le racisme comme on en trouve souvent.
On retrouve des partis pris intéressants comme la scène du discours de Kwame Ture où les visages des noirs sont présentés sur un fond noir en gros plan, comme pour afficher une fierté et lier l’humanité à l’appartenance culturelle.
Ou bien ce montage en parallèle intense où des militants noirs réunis afin d’écouter les conditions d’un lynchage en public et des militants du Ku Klux Klan qui s’extasient sur Naissance d’une Nation de W.Griffith sont en opposition.
John David Washington et Adam Driver signent une performance notable et évoluent sur un thème musical prenant.
LOIN D’ÊTRE PARFAIT POUR AUTANT
Néanmoins, le film est loin d’être parfait. Si la maîtrise de Spike Lee l’aide à s’en sortir, on sent à certains moments que l’envie de faire un parallèle constant à la situation actuelle prend le dessus sur ce qui est le plus important : raconter l’histoire d’un noir qui a infiltré le Ku Klux Klan.
On fait alors face à quelques longueurs où des scènes mettent en avant maladroitement des dialogues anti-Trump (qui sont surtout évidents sans qu’ils soient autant martelés).
Heureusement, ou plutôt malheureusement, la fin du film est littéralement traumatisante et nous frappe sans prévenir et sans transition : et c’est ici que le parallèle avec le présent est ingénieux.
EN BREF…
Après Three Billboards, c’est BlacKkKlansman qui met en avant un manifeste politique réussi grâce à une histoire convaincante dotée d’un humour bien senti malgré les longueurs dues aux comparaisons évidentes et martelées avec le monde d’aujourd’hui.