Blindspotting de Carlos Lopez Estrada

Blindspotting de Carlos Lopez Estrada

Blindspotting de Carlos Lopez Estrada

Lors du festival de Deauville, c’est Blindspotting qui a remporté le prix du jury, et c’est mérité.

Si les bavures policières sont, dans l’actualité quotidienne des américains depuis un certain temps, les revendications et la condamnation de ces actes sont de plus en plus fortes.

Plus tôt dans l’année, un cinéaste, fidèle à la cause des afro-américains du nom de Spike Lee, a sorti BlackKklansman afin de montrer la présence toujours inacceptable du racisme lors des manifestations d’extrêmes droites de Charlottesvilles.

SYNOPSIS

Encore trois jours pour que la liberté conditionnelle de Collin prenne fin. En attendant de retrouver une vie normale, il travaille comme déménageur avec Miles, son meilleur ami, dans un Oakland en pleine mutation.
Mais lorsque Collin est témoin d’une terrible bavure policière, c’est un véritable électrochoc pour le jeune homme. Il n’aura alors plus d’autres choix que de se remettre en question pour prendre un nouveau départ.

UN FILM AMBITIEUX

Les films sur l’excès des forces de l’ordre aux États-Unis sont nombreux, on retient Do The Right Thing (1989), Training Day (2001), Fruitvale Station (2013) et plus récemment Detroit (2017) par la talentueuse Kathryn Bigelow.

En 2018, on commence à connaître les différentes intrigues qui gravitent autour de la thématique, le but étant alors de se distinguer des autres créations similaires.

Pour un premier long-métrage, Carlos Lopez Estrada signe un film ambitieux où il n’est pas question d’apposer machinalement un manichéisme attestant de la cruauté des policiers contre l’exemplarité des habitants.

Dans la représentation habituelle, la tragédie au sens théâtral marque instantanément les protagonistes habitants dans des quartiers difficiles par la mort, le tabassage, et l’expression d’un pathos fort où l’on se sentirait presque plus victime que les agressés.

Ici, malgré le statut de liberté conditionnelle de Collin, on ne pourrait le considérer comme étant un personnage courant : sa singularité vient de l’étrange combinaison entre la douceur de son visage et l’agressivité de ses dreads, mais aussi de l’attachement quasi-immédiat que l’on tisse avec lui.

Nous sommes plongés rapidement à quelques jours de la fin de cette prison extérieure qu’est la liberté conditionnelle afin de nous montrer qu’il est irréprochable, ou du moins qu’il tente d’éviter les problèmes.

Ainsi, nous sommes aussitôt anxieux de sa situation puisque l’on attend impatiemment la fin du film, et de la même manière, en espérant très fort, le début d’une émancipation méritée de la justice.

Et c’est sur cette angoisse constante que navigue Blindspotting, sachant apeurer à la fois le personnage et à la fois le spectateur.

UN PARFAIT DUO

Les duos d’acteurs sont très souvent travaillés dans les films similaires (Denzel Washington et Ethan Hawke dans Training Day), la complémentarité du duo Collin-Miles vient justement de la relation extra-professionnelle d’amitié qu’entretiennent les deux acteurs principaux en dehors du film : Rafael Casal et Daveed Diggs.

On ressent alors immédiatement l’alchimie qu’ils possèdent et le scénario qu’ils signent ensemble.

Par ailleurs, un des buts premiers est de montrer que le cinéma présente souvent Oakland comme il n’est pas réellement. Ainsi, de nombreuses séquences (dont le générique) exposent en travelling latéral les habitations uniques et colorées de la ville, où la pauvreté n’est pas seulement ce qui la définit.

UN MESSAGE FORT

En-deça de la construction de la peur, le film livre un message intense sur la psychologie des afro-américains.

En effet, les protagonistes sont déménageurs, ce qui est une métaphore de la vie qu’ils mènent : instable, en mouvement incessant.

Deux scènes montrent parfaitement cet état d’esprit d’auto-incrimination de l’œil d’autrui : une où un cauchemar le désigne comme étant coupable les mains liées alors qu’il n’a absolument rien fait (tous les noirs sont jugés par des blancs) à travers des images léchées et une musique de plus en plus intense.

La meilleure scène du film représente quant à elle un dialogue rappé par Collin où l’acuité et l’exactitude des mots employés livrent une scène mémorable.

Par ailleurs, comme le souligne le personnage à un moment, le seul moment où ils sont écoutés est lorsqu’ils rappent (c’est également pour scander que c’est parfois le seul moyen d’expression que possèdent les habitants de villes pauvres mais aussi le seul moment où la voix importe en tant que dénonciation, comme le faisait N.W.A).

POUR CONCLURE…

Blindspotting est une claque qui traite un sujet grave de manière originale et intelligente, où un duo talentueux aide un film à exceller dans ce qu’il propose.

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Monsieur Pravine

19 ans, étudiant en cinéma, fan de cinéma et de séries, « Her » le meilleur des films!

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