[Interview] – Marjane Satrapi, réalisatrice du film The Voices

[Interview] – Marjane Satrapi, réalisatrice du film The Voices

Mercredi dernier sortait en salle The Voices et j’ai eu la chance de rencontrer la réalisatrice du film Marjane Satrapi lors d’une table ronde. C’est dans un lieu idéale et en parfaite adéquation avec le film que nous avons pu lui poser nos questions.

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Parlez nous un peu de ce chat méchant.

« Mais il est pas méchant, il a beaucoup d’humour il est honnête il est drôle, il n’est pas méchant il est juste malpoli. Il est très subversif c’est surtout ça ! »

Vous avez dit hier que le film avait un budget de 9 Millions d’Euros et quand on voit le film on a du mal à croire que le budget soit aussi petit. Comment avez vous fait pour respecter le budget avec ce rendu et ces effets spéciaux ?

« En travaillant beaucoup… c’est à dire que comme je n’avais que 33 jours de tournage et c’était 9,3 Millions d’Euros pour être exact, il fallait compenser en travaillant beaucoup. Par exemple les animaux dans le film ils parlent un peu plus de 18 minutes donc chaque secondes d’animation ça coute une fortune… alors on calcule et pour que ça rentre dans le budget il y a seulement quatre minutes et demi où ils peuvent réellement parler et où on les a à l’écran. Je prépare les animatiques, on regarde avec Stéphane à quel moment on montre le chat qui parle, ou le chien pour qu’on ait l’impression tout le temps de les voir parler parce que si vous mettez un gros paquet ou vous les voyez parler et puis plus rien ça ne va pas ! Ça c’est un travail sur 6 mois pour compenser l’argent que je n’ai pas.

Vous savez au début du film on m’annonce que j’ai 18 Millions, super ! Et puis chaque semaines on perd 1 Millions de Dollars… et puis 2 et puis 3 et à la fin on a 11 Millions de Dollars se qui représente à peu près 9 Millions d’Euros et mon ambition pour ce film est la même. Je compense en travaillant beaucoup et je commence toujours à travailler avant même d’avoir un contrat signé, je suis jamais payé pour ce travail que je fais en amont mais à la fin c’est deux années de ma vie, c’est mon film donc si mon film il est pourri, il est pourri quoi.

Et puis l’amour du travail c’est quand même beaucoup plus important que le fric je pense. Je dois avoir au moins la satisfaction de me dire que si dans 10 ans on me pose la question de savoir si j’ai honte de mon film et que je réponds non c’est que j’ai réussi. »

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Vous pensez que le film aurait été fondamentalement différent avec plus de budget, de mise en scène ?

« J’aurai eu un peu plus de facilité si on m’avait donné 2 ou 3 Millions de plus, oui ça aurait été mieux. C’est un projet sur blacklist, c’est un super projet mais les financiers ne veulent pas le financier car ils ne savent pas comment le vendre et surtout qui peut aller voir un film comme ça. »

Justement, vu que c’est un projet sur blacklist, comment réussir à avoir un casting aussi gros et aussi diversifié avec peu d’argent ?

« Écoutez, ça c’est vraiment les anglo-saxon, il faut le reconnaître, ils sont vraiment comme ça, c’est à dire que des fois ils font des films pour gagner beaucoup d’argent et également pour montrer leur performance.  Une fois j’ai entendu dire « Oui mais les gens qui maigrissent et tout ça pour gagner un Oscar… » alors toutes les femmes qui font weight watchers doivent gagner des Oscars. Ils ne s’agit pas de maigrir pour gagner un Oscar.

Concernant le rôle de Ryan Reynolds c’est lui qui est venu, il était intéressé par le projet et quand on a parlé du rôle, la façon dont il avait compris Jerry c’était la même compréhension que j’avais de ce personnage. Vous savez on assimile trop souvent sur le fait que si quelqu’un est beau c’est qu’il est bête. Et bien Ryan, il est beau, il est grand, il est mannequin, il a été le mari de Scarlette Johansson maintenant c’est le mari de Blake Lively, il est comme ci, il est comme ça donc forcément il est con et bien NON ! Vous savez ça s’appelle des accumulations, il y a des gens moches, cons, etc. Vous en avez d’autres qui sont beaux, intelligents, et toutes les combinaisons possibles. Lui il se trouve que c’est vraiment l’homme parfait je vous assure ! J’ai passé quand même beaucoup de temps avec lui, en plus il est drôle, en plus il fait pas chier, c’est un vrai gentleman. Une fois qu’il est investit dans un rôle, il l’est à 100%. Ryan à rajouter tellement de truc au scénario que ça a été un bonheur de travailler avec lui et c’est évident que si ce n’était pas lui qui serait venu vers moi, je n’aurais jamais dit serial-killeur = Ryan Reynolds. »

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Est-ce que vous auriez pu vous écrire un scénario aussi fou avec cet esprit aussi tordu ?

« Écoutez non, c’est pour ça que c’est très intéressant de travailler avec le scénariste. Jamais je vais m’assoir à mon bureau en me disant « bon aujourd’hui je vais écrire un scénario sur un type un peu taré qui parle avec ses animaux et éventuellement qui tue des femmes et met leur têtes dans le frigo. » Mais quand on m’offre le scénario je me l’approprie complètement. »

Pourquoi avoir choisit de rendre le monde de Jerry plus beau que la réalité ?

« Si vous voulez avoir de l’empathie pour lui, il faut qu’on comprenne pourquoi il ne prend pas ses médicaments. Dans sa folie il a créer un monde très beau et quand il a pris ses médicaments j’ai voulu que le spectateur se dise « Non non non, ne reprend pas tes médicaments, c’est moche, ça pue… ». Pour créer l’empathie il fallait le faire comme ça. »

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Qui à eu l’idée de cette chanson de fin et pourquoi ainsi ?

« Le ending c’était comme ça, à la fin ils se retrouvaient tous, c’était dans le bowling qu’ils allaient se retrouver avec quelque chose de très festif. Moi je voulais quelque chose de plus beau. Je peux pas tout le long du film dire qu’on a de la compassion pour ce mec alors qu’il est malade, qu’il faut le comprendre et que ça finisse pas une mort. Il faut que le film se finisse bien et pose une question essentielle : « Dieu existe et s’il est au courant de tout se que je fais il doit être d’accord avec moi pour tuer toutes ces femmes. » Et donc la réponse à cette question c’est que tout le monde finit au Paradis. »

Bosco représente la bonne conscience et Mr Moustache la mauvaise. Aurait-on pu imaginer l’inverse ?

« Vous savez, la race canine n’existe pas, c’est inventé par l’Homme. Avec cette transformation, l’Homme à fait du chien son esclave aussi. Alors que le chat au mieux il veut bien être votre pote si il le veut bien et il y a ce côté très indépendant des chats, sans oublier le côté sadique du chat rien que dans sa manière de chasser où il s’amuse avec sa proie alors que le chien il n’est rien de tout ça. »

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Concernant l’esthétique du film et de la couleur un peu partout. Est-ce que vous vous êtes inspiré de votre univers très comics, très BD, ensoleillé ou c’était là depuis le début et vous vous êtes dit je vais mettre du rose ?

« Ça vient surtout de la peinture, avant de faire tout se que j’ai fais j’ai été peintre. Il y a des couleurs que j’aime beaucoup comme le mélange du rose et du orange, après il y a aussi des couleurs que je n’aime pas du tout comme le mauve, le beige, le vert… donc je fais une charte de couleur que je donne et c’est se que j’ai envie de voir. Comment avoir de l’empathie si les couleurs sont sombre et moche ? Vous savez dans un film on a se que fait le personnage principale et tout se qu’il y a autour qui fait que vous y croyez ou pas. Moi par exemple pour créer la maison de Jerry, j’ai acheté un livre qui s’appelle « L’intérieur d’un cow-boy moderne » parce que je voulais savoir comment un célibataire vit et à quoi ressemble son intérieur. C’est quelque chose de très propre mais avec du mauvais goût du beige partout et puis il y a un truc qui ne va pas. Et en fait je me rend compte que dans ces intérieurs de cow-boy moderne il y a très souvent des objets créer dans les murs c’est à dire que le lit il est créer dans le murs. Et je me dis bongo, ça correspond à l’état mental de Jerry qui est bloqué dans son propre cerveau donc si vous regardez dans la maison de Jerry finalement il n’y a aucun objet en dehors hormis le canapé et la table basse, tout le reste est encastré dans le mur. »

On découvre l’univers de Jerry à la fois imaginaire et réel quand on est chez lui et pourquoi on ne voit jamais le monde réel de l’usine dans laquelle il travaille, de même pour le restaurant, est que les autres endroits sont aussi miteux qu’on puisse l’imaginer ?

« Je me suis dit, si on commence à rentrer sur ce chemin là ça fait une épilepsie visuelle. Il est là, il est pas là et ainsi de suite… Je justifie cela en disant que dans le monde extérieur il essaie d’être le plus normal possible et l’endroit où il peut se laisser aller c’est chez lui. Et ce monde fantastique peut se justifier d’une façon complètement logique. Les salopettes de travaille sont rose mais il s’agit d’une usine de fabrication de baignoires donc vous voyez, baignoire, propreté, c’est une ville du Michigan, tout le monde est parti et le directeur RH à mit en place les salopettes rose donc comme ça va les motiver. Alors après pourquoi le rose, après il y a des codes couleur et le blanc correspond au corps médical, le vert c’est la propreté de la ville et moi j’adore le rose. Donc voilà, ce sont des choses qui peuvent se justifier et comme ça vous tenez le film. »

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Merci à WayToBlue et au Café des Chats pour l’accueil. Je remercie également Marjane Satrapi de nous avoir accorder du temps pour répondre à nos questions.
Retrouvez mon avis sur le film http://www.asgame.fr/avant-premiere-the-voices-de-marjane-satrapi/

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